Equilibre
La femme s’appuyait sur des doutes plutôt que des certitudes. Ces dernières semblaient pourtant gouverner sa vie : un travail régulier, un couple solide cimenté par les années, une maison paisiblement plantée dans son jardin, un enfant qui n’en finissait pas de grandir. Pourquoi alors cette impression en arrière-plan que tout pouvait s’effondrer, se détruire ? Elle était dans sa vie comme les petits êtres qu’elle fabriquait, faits de morceaux assemblés les uns aux autres et dont le bois usé se délitait ou la colle s’enlevait, laissant choir un bras, une jambe, parfois même la tête. Comme eux, elle se sentait en équilibre sur un pied. Elle n’avait pas trouvé la bonne colle, avait-elle trouvé la bonne vie ?
La maison laissait entrevoir, elle aussi, ses lézardes entre les murs peints, superficielles ou profondes. A peine achetée, la tempête avait failli la balayer. Le vent grondait, menaçait de s’engouffrer par la lucarne qui ne résistait qu’avec peine. Bruit de verre brisé, fracas : la cheminée du voisin avait transpercé le toit du garage. Mais la tempête aussi soudainement qu’elle avait commencé, s’était arrêtée et la maison avait résisté.
C’était ainsi qu’elle avait vieilli, traversée par les doutes mais continuant toujours à avancer.